Les premiers occupants de l’Australie sont les Aborigènes. Le terme aborigène n’est pas spécifique à l’Australie. Le terme provient des mots latins « ab origine » signifiant « depuis l’origine ». Il s’agit donc de peuples premiers occupants d’une terre, et les descendants de ces premiers occupants.
Aborigènes d’Australie
Le mystère de l’origine des Aborigènes
Leur arrivée sur le continent australien, datée d’il y a 40.000 à 50.000 ans, se situe pendant la dernière période glaciaire globale, ou glaciation, qui caractérise la fin du Pléistocène, il y a 110.000 à 10.000 ans. Le maximum glaciaire a été atteint il y a environ 22.000 ans.
Durant cette période de refroidissement global l’épaississement des calottes polaires et leur extension vers les régions dites « tempérées », associés à la contraction de l’eau de mer due à son refroidissement, ont entraîné une baisse très importante du niveau des océans. Ainsi notamment, la Nouvelle Guinée et la Tasmanie étaient rattachées au continent australien dans ce qui formait alors une partie de l’ensemble du protocontinent « Sahul » . L’Australie était également séparée de l’île de Java par plusieurs détroits.
Selon certains spécialistes, les Aborigènes seraient venus du « Sunda », protocontinent qui regroupait l’Indonésie et l’Asie du Sud-Est, en traversant les détroits sur des embarcations. Il devait vraisemblablement s’agir de radeaux rudimentaires car s’ils avaient disposé d’embarcations plus élaborées, telles des canoés ou pirogues, leur usage aurait été perpétué dans le temps par les communautés aborigènes du littoral jusqu’à l’arrivée des découvreurs européens. D’autres suggèrent qu’ils seraient arrivés de ce qui constitue aujourd’hui la Nouvelle-Guinée, laquelle, en cette dernière période glaciaire, était rattachée à l’Australie.
Ces deux théories ne sont certainement pas exclusives l’une de l’autre. Il est fort probable que plusieurs vagues humaines soient arrivées à différents moments ou en même temps en différents points géographiques du continent. L’isolement génétique de cette population aborigène par rapport aux autres populations d’Eurasie daterait d’il y a 50 000 ans.
Les preuves scientifiques et archéologiques démontrent que l’occupation humaine, selon le lieu géographique du continent, date au maximum de 125 000 ans (cette date est contestée), avec une moyenne fixée à 40 000 ans environ. Le séquençage du génome d’un aborigène du début du XXe siècle montre que les ancêtres des aborigènes, partis originellement d’Afrique, seraient arrivés en Asie il y a environ 70 000 ans et seraient isolés en Australie depuis 50 000 ans.
Peuplement de l’Australie par les Aborigènes
Les Aborigènes ont rejoint l’Australie, s’y sont installés et en ont progressivement, pendant des millénaires, occupé tout l’espace, jusqu’à la très méridionale Tasmanie. Après le relèvement du niveau des mers et des océans ayant accompagné la fin de la dernière glaciation il y a dix mille ans, les Aborigènes s’y retrouvèrent isolés, y vécurent en autarcie en y développant une culture qui leur est propre et qui est la plus ancienne culture ininterrompue du monde.
En 1788, l’Australie était peuplée par 250 tribus aborigènes, occupant tout le continent, chacune avec sa propre langue, ses lois et ses frontières tribales qui étaient grosso modo respectées.
« A l’arrivée des colons anglais, les Aborigènes (…) se déplaçaient au sein de larges territoires. Ils vivaient de chasse, de cueillette et de pêche en groupe d’une à quelques dizaines de familles. La fréquence de leurs déplacements et leur ampleur variaient selon les régions, car elles dépendaient largement des ressources en eau et en nourriture. » (1)
Les Aborigènes et la colonisation de l’Australie
L’histoire des Aborigènes et de la colonisation australienne est souvent un « enfer pavé de bonnes intentions ».
La pression coloniale
Les instructions données au capitaine Cook par le roi d’Angleterre Georges III stipulait qu’il devait prendre possession après avoir conclu un traité avec la population indigène, ce que James Cook négligea totalement de faire. Par la suite cette nouvelle terre fut considérée comme « res nullius » n’appartenant à personne, et qu’il était donc légitime au nouvel arrivant d’en prendre possession sans discussion. Cette colonisation sans l’accord de la part du peuple indigène peut être opposée à ce la France a fait dans la région Pacifique, en Nouvelle Calédonie. (2)
En 1788 le premier gouverneur de la colonie Arthur Phillip est chargé d’établir des rapports avec les Aborigènes et de vivre « dans l’amitié et la bonté » avec eux. Mais très vite, parce qu’ils ne sont pas reconnus officiellement comme premiers occupants et qu’aucun traité ou accord n’a été signé avec eux, les Aborigènes sont considérés comme quantité négligeable. Leur mode de vie les exclue naturellement de la société australienne en formation.
Parce qu’ils constituent une entrave à l’expansion territoriale de la colonie, les Aborigènes deviennent des étrangers sur leur propre sol, sont écartés, chassés de leurs territoires. La consommation d’alcool décime leurs communautés, et les maladies européennes comme la variole, inconnues sur ce territoire vierge de toute influence extérieure, font des ravages parmi cette population non immunisée. Certains colons n’hésitent pas à perpétrer des massacres dans cette population uniquement armée d’arcs et de lances. De leur côté des Aborigènes attaquent et tuent des colons dont les troupeaux paissent sur leurs territoires. Cela entraîne une insécurité, une violence et des réflexes d’autodéfense permanents auxquels les Aborigènes, moins bien préparés et équipés, paieront un lourd tribut.
Communication
Un créole australien existe – « le kriol » – , mélange de langages aborigènes et d’anglais adapté. Il est né dans le Territoire du Nord puis s’est répandu dans l’ensemble du territoire australien, pour finalement constituer ce qu’il est convenu d’appeler un « pidgin english ». Il est né de deux principales nécessités:
- la communication avec les européens
- la communication entre Aborigènes eux-mêmes, les 250 et quelques communautés aborigènes d’Australie ayant chacune son propre langage et ne se comprenant pas.
La protection coloniale
Devant cette situation d’infériorité sociale et économique et les abus qu’elle a entraînés, on crée en 1838 des postes de « Protecteurs des Aborigènes ». Cette initiative, sans doute inspirée par un vrai souci d’amélioration de l’existence des intéressés, va souvent dériver vers une quasi mise en tutelle de cette population.
Comme l’exprime le rapport sur les droits de l’Homme en Australie:
« La violence et la maladie liées à la colonisation correspondaient, dans le langage darwiniste social, au processus naturel de la « survie du plus fort ». Selon cette analyse, l’avenir du peuple aborigène était inévitablement condamné; ce que l’on pouvait seulement espérer du gouvernement et des missionnaires était « d’adoucir l’oreiller de la mort« .
Les Aborigènes des générations volées
C’est dans ce contexte qu’à partir de la fin du XIXè siècle jusqu’au début des années 1970 les enfants métis aborigènes étaient enlevés de force à leurs familles dont on estimait qu’elle étaient condamnées à disparaître, pour être placés dans des orphelinats ou des familles d’accueil européennes. On a considéré que leur part de sang européen leur permettrait d’être assimilés à la société européenne. Cet aspect de l’Histoire relative à ceux que l’on a appelé les « Australiens oubliés » ou les « générations volées« , qui a par ailleurs donné lieu à des excuses officielles du gouvernement australien, est très bien illustré dans le film « Australia » de Baz Luhrmann avec Nicole Kidman et Hugh Jackman.
Démographie aborigène actuelle
Pour les statistiques du gouvernement australien est aborigène, quelle que soit la couleur de sa peau, la personne qui réunit l’ensemble des trois conditions suivantes:
- avoir des ancêtres aborigènes ;
- s’identifier elle-même comme étant aborigène ;
- être reconnue comme telle par sa communauté aborigène.
Selon le recensement de 2011 la population australienne comptait 670 000 Aborigènes et Indigènes du détroit de Torrès, représentant 3 % de la population totale australienne. Les territoires aborigènes représentent 10 % de la superficie du continent australien. A titre de comparaison, sans que les situations soient tout à fait comparables, la population maorie représente environ 15% de la population totale de la Nouvelle Zélande. Il faut à cette occasion se souvenir qu’à l’arrivée de la First Fleet en 1788 les îles de la Nouvelle-Zélande font officiellement partie de la colonie australienne de Nouvelle Galles du Sud. Ce n’est qu’à partir du traité de Waitangui du 6 février 1840 que la Nouvelle Zélande devient une colonie anglaise autonome.
Si les Aborigènes représentent 30% de la population du Territoire du Nord, ils restent cependant beaucoup plus dispersés dans le reste de l’Australie.
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– (1) – Ponsonnet M., P Grundmann P, 2011, Australie: Histoire, société, culture, Paris, Editions La Découverte
– (2) – Nouvelle Calédonie: Traité d’allégeance du « Pays d’Opao » (la Nouvelle Calédonie) signé en plusieurs temps, du 31 décembre 1843 au 10 janvier 1844, entre la France représentée par le commandant du Bucéphale Julien La Ferrière et les rois et chefs kanaks du Nord :
« Nous, chefs de l’île Opao savoir : Pakili-Pouma, roi du pays de Koko ; Paiama, chef du pays de Balade ; Dolio, frère du roi de Koko ; Toe, frère du roi de Koko ; Goa-Pouma, frère du chef de Balade, ainsi que Tiangou et Oundo, Teneondi-Tombo, roi de Koima et ses frères, Chopé-Meaou, Oualai et Ghibal ; au nom du roi de Boudé, ses fils Dounorma-Tebapea, Cohin et Houangheno ; par devant les soussignés, commandant et officiers de la corvette française le Bucéphale, déclarons : Que, voulant procurer à nos peuples les avantages de leur réunion à la France, nous reconnaissons, à dater de ce jour, la souveraineté pleine et entière de Sa Majesté le Roi des Français Louis-Philippe 1er et de son Gouvernement, plaçant nos personnes et notre terre d’Opao sous leur haute protection vis-à-vis de toutes les autres puissances étrangères, et adoptons pour nôtre le pavillon français, que nous jurons de faire respecter par tous les moyens en notre pouvoir. »
Suivent les signatures des dénommés ci-dessus. Le commandant du Bucéphale, Julien La Ferrière, Charles Pigeard J. Trouhat, Lamotte, Heurtault, Gerin-Roz, de Drée, A. Chamois
(Recueil des Traités de la France, par M. de Clercq, sous les auspices du ministère des Affaires Étrangères)
La « Prise de Possession » par la France, seul évènement dont l’Histoire officielle veut se souvenir, s’est faite quant à elle près de 10 ans plus tard, le 24 septembre 1853, à Balade.