Expéditions maritimes européennes successives vers l’Australie
Les expéditions maritimes européennes successives vers l’Australie se sont organisées du XVe siècle jusqu’aux prises de possession britanniques et françaises du XVIIIe siècle.
Les Portugais, premiers découvreurs européens « incognito » de l’Australie
Une des raisons du fait que l’on ne trouve pas de traces officielles des voyages et découvertes des Portugais dans cette partie du monde à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle se trouve sans doute dans l’application du Traité de Tordesillas, avant la passation du Traité de Saragosse.
Il y a de fortes probabilités que les premiers Européens à toucher l’Australie aient été des navigateurs portugais au XVIème siècle. La théorie de la « découverte » de l’Australie par les Portugais repose sur un faisceau d’éléments.
On sait, en premier lieu, que les Portugais Bartholomé Dias et Vasco de Gama avaient, le premier, reconnu le cap de Bonne Espérance en 1487, et le second, atteint les Indes en 1498. Les Portugais étaient très actifs en Asie du Sud-Est depuis 1511 et au Timor en 1516. Il paraît fort probable, ou tout au moins vraisemblable, compte tenu de l’imprécision relative des routes maritimes et de la conduite des navires soumis aux aléas des vents et des courants, que certains navires aient rencontré les côtes australiennes occidentale ou septentrionale.
En effet ces navigateurs devaient encore utiliser les portulans, ces cartes marines des premiers navigateurs entre le XIIIème et le XVIème siècles. Servant essentiellement à repérer les ports et connaître les dangers qui pouvaient les entourer, les portulans étaient grossièrement dessinés, les détails ne s’attachant qu’à ce qui avait de l’importance pour la navigation. Le plus ancien portulan connu serait la carte pisane tracée à Gênes en 1290. Or, par définition, il n’y avait pas de carte de cette terre inconnue.
Cependant la théorie de la découverte – européenne – de l’Australie par des navigateurs portugais repose principalement sur l’analyse descriptive des cartes marines et mappemondes datant du XVIème siècle et réalisées par les cartographes de la célèbre École de cartographie française de Dieppe sur des renseignements précis fournis par les navigateurs portugais qui collaboraient à leurs travaux. Ces cartes et mappemondes montrent une masse terrestre intitulée « La Grande Jave » au Sud de l’Indonésie dès les années 1540 et les décennies suivantes . Les contours de cette terre, malgré de nombreuses lacunes, sont relativement conformes à la réalité. D’ailleurs, diverses explications on été avancées sur l’écart entre les contours des cartes de l’Ecole de Dieppe et la réalité. En particulier le mathématicien Ian McKiggan a développé sa théorie sur l’erreur de longitude exponentielle pour les expliquer.
Certaines sources désignent Cristóvão de Mendonça comme le premier découvreur européen de l’Australie. Il aurait été le capitaine d’une expédition vers l’Australie (1521-1524). Selon Kenneth McIntyre, c’est Mendonça qui, naviguant le long de la côte orientale australienne à la tête de trois caravelles, aurait découvert l’Australie et fourni des représentations graphiques qui furent au final, transmises aux cartographes de Dieppe. Selon McIntyre, Mendonça aurait atteint le Sud de l’Australie (Port Fairy, Victoria). Fitzgerald prétend que les Portugais seraient allés aussi loin que la Tasmanie. Quant à Trickett, il indique que les marins portugais auraient contourné le Golfe Spencer en Australie du Sud, et l’île du Nord de la Nouvelle Zélande.
Pendant la période entre les deux traités de Tordesillas et de Saragosse, les droits de conquête maritime sur la partie du Monde à l’Est de l’Europe ne sont pas officiellement définis. Cela explique en partie que, lorsqu’ils explorent les mers orientales via l’océan Indien en ce tout début du XVIème siècle, avant le Traité de Saragosse de 1529, et commencent à exploiter les richesses de ces régions, les Portugais gardent une certaine discrétion sur leurs opérations. Ce voyage de Mendonça, comme bien d’autres, fut tenu secret en raison du Traité de Tordesillas de 1494. Selon McIntyre, les documents originaux ont été, soit perdus lors du tremblement de terre de Lisbonne en 1755, soit tenus secrets en raison de la politique officielle de silence.
Les expéditions maritimes européennes officielles
La première découverte européenne non contestée est celle faite par le navigateur hollandais Willem Janszoon qui, à bord du Duyfken, navigua jusqu’au Golfe de Carpentarie et débarqua en 1606 sur la côte Ouest de la Péninsule du Cap York.
De nombreuses expéditions maritimes hollandaises, françaises et anglaises visitèrent ultérieurement les côtes australiennes. Citons notamment:
- l’Espagnol Luis Váez de Torres en 1607,
- le Hollandais Dirk Hartog en 1616,
- le Hollandais Jan Carstensz en 1623,
- le Hollandais Abel Tasman en 1642.
En 1644, le cartographe français Melchisédech Thévenot réalisa une carte représentant avec ses détails la côte occidentale de l’Australie qu’il nomma « Nova Hollandia ».
En 1688, le cartographe italien Vincenzo Coronelli réalisa deux globes terrestres monumentaux, dont l’un représentant avec exactitude l’Australie, sous le nom de « Nouvelle-Hollande » .
L’esprit de découverte du XVIIIe siècle, qui se manifeste notamment dans la recherche de connaissance de la Terre, prend le relais de ces premières découvertes du XVIIe siècle. L’Europe s’intéresse notamment aux lointaines contrées d’Orient, à leurs habitants, leurs industries, leurs richesses. Les expéditions maritimes se multiplient. Les plus connues d’entre elles sont, vraisemblablement:
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L’expédition de Louis-Antoine de Bougainville (12 novembre 1729 – 31 août 1811) boucla un tour du monde entre novembre 1766 et mars 1769, dont il fit un récit, « Le voyage autour du monde« , qui s’avèrera être un retentissant succès de librairie.
- Les expéditions conduites par le capitaine anglais James Cook qui fit trois voyages:
- 1er voyage (1768-1771) – C’est au cours de ce voyage qu’il prit officiellement possession de la côte Pacifique de l’Australie au nom de la Couronne britannique;
- 2ème voyage (1772-1775)
- 3ème voyage (1776-1779) au cours duquel il trouva la mort dans une altercation avec les autochtones des îles Hawaï.
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L’expédition commandée par Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse (1785-1788) qui visita tous les océans du globe, et plus particulièrement le Pacifique. Après avoir fait escale du 26 janvier au 15 mars 1788 à Botany Bay en Australie, où elle rencontra la First Fleet du Capitaine Arthur Phillip, l’expédition partit pour un voyage qui se termina tragiquement sur le récif de Vanikoro dans l’archipel des îles Santa Cruz.
La mythique « Terra Australis Incognita »
La découverte de la rotondité de la terre avait posé la question de l’équilibre des masses et avait fait naître l’idée qu’il devait exister dans le Sud de l’hémisphère Sud un vaste continent. L’idée de l’existence de cette vaste terre dans l’hémisphère Sud s’était, depuis plusieurs siècles, traduite sous la forme de l’apparition sur les cartes, mappemondes et autres portulans d’une masse continentale imprécise baptisée « Terra Australis Incognita » , autrement dit « terre australe inconnue » . Mais les esprits savants ne situaient pas cette terre inconnue à l’emplacement de l’Australie, mais bien plus au Sud, à des latitudes symétriques à celles de l’Europe.
Les nations qui dominaient précédemment les voyages au long-court, l’Espagne et le Portugal, vont laisser place aux Hollandais, aux Français, aux Anglais, mais également aux Russes.
L’exploration du grand Sud de l’hémisphère Sud devient une composante quasi-constante des explorations du XVIIIe siècle. Le Français Bouvet de Lozier aperçoit des hautes terres enneigées par 56° de latitude Sud en 1739. Son compatriote Marion-Dufresne, en 1772, cingle plein Sud à partir du cap de Bonne-Espérance, sans grand résultat.
L’Anglais James Cook, le 1er janvier 1774, s’aventure à la latitude de 74°10′ jamais atteinte avant lui, frôlant le continent antarctique sans pourtant l’apercevoir.
Il est communément fait l’erreur d’assimiler l’Australie à cette fameuse « Terra Australis Incognita », ce continent sensé équilibrer les masses continentales de la terre. Il n’en est rien. Nous avons vu que l’Australie avait été, depuis le milieu du XVIe siècle, clairement identifiée sous l’appellation de la « Grande Jave ». Or les Européens étaient encore à la recherche de cette « terre australe inconnue » après le milieu du XVIIIe siècle.
La recherche de cette terre inconnue, que le roi de France rêvait de s’approprier et que l’on avait appelée, par anticipation, la « France Ostralle » , était notamment l’une des principales missions de l’expédition de 1771-1772 initialement conduite par le lieutenant de vaisseau Yves de Kerguelen qui amena finalement à la prise de possession de l’Australie par la France par le lieutenant de vaisseau Louis Aléno de Saint Aloüarn.
Ainsi, après que l’île-continent eut été maintes fois rencontrée aux hasards de la navigation au cours des siècles précédents, la fin du XVIIIe siècle allait être le temps des appropriations européennes de l’Australie
Il nous faut mettre ce terme au pluriel car il y eut deux prises de possession de l’Australie à moins de deux ans d’intervalle, l’une par l’Angleterre, l’autre par la France. Comme nous le verrons, cette double prise de possession était justifiée et a résulté de l’ignorance et de la cartographie approximative, voire rudimentaire de la Nouvelle Hollande, dont on disposait à cette époque.